Julie Gonssard : créatrice de la Galerie Incognito

Depuis quand baignes-tu dans ce milieu?

Après une enfance au Brésil et un cursus universitaire en Cinéma et Esthétique (à la Sorbonne Paris-X), je collabore avec des artistes contemporains, des cinéastes, des chorégraphes, des photographes depuis plus de 25 ans. Art, cinéma, photo, documentaire, mode et luxe, je produis des oeuvres pour les agences photo mythiques Gamma, Rapho et Keystone, les groupes Time Warner et Canal +, les maisons de luxe dont Louis Vuitton, mais aussi Les Rolling Stones … entre autres ! 

Je produis des oeuvres pour les agences photo mythiques Gamma, Rapho et Keystone, les groupes Time Warner et Canal +, les maisons de luxe dont Louis Vuitton, mais aussi Les Rolling Stones … entre autres ! 

Quand as-tu créé Galerie Incognito?

Pendant la pandémie en 2020, j’ai fondé GALERIE INCOGNITO. Car il n’y avait plus rien à produire. C’était d’abord une réponse à l’empêchement de vivre de l’art et de l’expérimenter. A contexte inédit, galerie inédite. A part cette exposition à la Sheriff Galerie jusqu’au 10 septembre, c’est un dispositif exclusivement en ligne et sur Instagram. C’est une démarche-manifeste : celle de l’investissement émotionnel et de l’accessibilité. GALERIE INCOGNITO propose des tirages photographiques en série limitée d’artistes renommés, sous pseudonyme, à des prix sans lien avec leur cote officielle. 

GALERIE INCOGNITO est née d’une volonté de bousculer le statu quo de l’acquisition d’art.

16 artistes ont accepté cette démarche comme un manifeste : comment permettre à l’émotion de s’exprimer pleinement dans un monde omniscient de tout, ultra référencé ? Issus de parcours variés : le cinéma, l’art contemporain, le luxe, la mode, le photo-journalisme, le design,… ils ont confié des oeuvres, pour la plupart inédites.

Ce collectif composé d’artistes qui ne se connaissent pas entre eux participent, pour des raisons artistiques et non professionnelles à une proposition inédite : celle de l’investissement émotionnel au lieu de l’investissement spéculatif.

Ce collectif composé d’artistes qui ne se connaissent pas entre eux participent, pour des raisons artistiques et non professionnelles à une proposition inédite : celle de l’investissement émotionnel au lieu de l’investissement spéculatif. En ajoutant du mystère à l’acquisition de l’oeuvre, nous offrons la possibilité de ne répondre qu’à un référent : l’Emotion ; quelque soit notre rapport à l’art et quelque soit notre budget. Plus de préjugés ni de frein financier.

Comment trouves-tu ton inspiration pour choisir tes artistes ?

A travers mon métier de productrice, je côtoie tous les jours des artistes de tous les milieux. Et dans ma vie personnelle, je suis un rat de galeries, foires et biennales sont mes lieux favoris de vacances 🙂 

Est-ce ton projet le plus fou d’avoir créer cette galerie?

C’est oui, un projet fou, mais surtout celui qui me ressemble le plus. N’ayant pas eu une éducation artistique, chaque artiste a été pour moi, Incognito. Avant de connaître leurs noms et leurs démarches, je cherche la rencontre, me mets à la disposition des oeuvres, comme une page blanche, et j’écoute mon ressenti. Je me souviens avoir pleuré devant des photos à la FIAC. Et découvrir ensuite qu’il s’agit d’un travail de Sophie Calle sur les aveugles. Je n’ai pas les moyens financiers d’acquérir ses oeuvres, alors ce dispositif « Incognito » est ce qui me permet de devenir collectionneuse, avec mon budget – de 50€ à 500€. 

Quelle est selon toi la valeur de l’art?

Je crois fondamentalement que nos émotions valent plus que la réputation.

La réputation et la loi du marché ne doivent pas être un frein à l’appropriation de nos émotions; encore moins les dominer. Ce n’est pas parce qu’un artiste est « renommé » qu’on se doit de l’aimer. 


Quelle est la fourchette des prix des œuvres ?

De 50€ à 500€ ! 


Tes artistes sont ils connus ?
Oui ! (Voir réponse plus haut) 

Quel est la rencontre la plus incroyable que tu aies faite dans ton métier ?

Sans doute Marine Hugonnier, pour qui  j’ai quitté un job dans le cinéma pour la suivre et produire une oeuvre en Alaska quand j’avais 25 ans. Dans l’expo qui est actuellement au jeu de Paume (jusqu’au 18 septembre) on peut y voir notamment l’immense oeuvre photographique « Towards Tomorrow »,  une oeuvre avec une aventure incroyable advenue le jour de mon anniversaire, le 11 septembre 2001, en Alaska.
 
Nous sommes partis d’Anchorage à Nome. Nous dormions dans un petit refuge de chasseurs quand la 1ère tour de New York a été attaquée. Un coup de téléphone d’amis inquiets nous a prévenus. Nous avons couru vers la television et regarder les tours s’effondrer sur la télévision.

Bush annonçait l’état de guerre et l’interdiction de voler sur le territoire americain. Nous devions voler vers Wales, le point le plus à l’ouest de l’Amérique continentale sur la côte de la mer de Béring.

Un inuit, avec un large sourire édenté nous a alors proposé de nous y amener en canoë à moteur avec notre équipement.

Traversée irréelle dans une Amérique meurtrie où la personne qui nous porte secours est un native américain à qui l’Amérique a retiré tous les droits de chasse, de propriété au profit des grands Hommes blancs armés jusqu’aux dents venus du sud des USA pour tuer des Élans pour le plaisir.

Éprouvés par cette traversée houleuse d’une journée entière, nous avons été hébergés à Wales dans une maison à moitié creusée dans le sol par un ancien prisonnier de guerre au Vietnam qui avait trouvé la paix dans les bras d’une femme inuit qu’il avait épousée. Dans la maison était un poêle en fer du XIXe siècle et du plus grand écran de télévision que n’avions jamais vu, offert par des Russes dans le cadre d’un accord non divulgué. Nous étions là pour photographier de l’autre côté du détroit de Béring, de l’autre côté de la ligne de changement de date internationale, pointant vers l’autre côté de la Russie qui a toujours 24 heures d’avance sur le temps. L’objectif était de pousser la photographie à son paroxysme puisqu’elle indexe toujours le passé, pour, par exemple, imaginer l’avenir. Notre caméra analogique 10×8 fixée sur un trépied enfoncé dans le sable pour résister aux vents très forts.

Nous avons été cloués au sol pendant 3 jours de plus sans vol pour retourner à Anchorage et l’anxiété de ne pas savoir ce qui allait se passer ensuite. Ces 3 jours avec l’avenir en vue, toutes les chaînes d’information diffusant la catastrophe en boucle, et notre hôte qui incarnait les politiques étrangères américaines ratées du passé, nous ont profondément touchés. Nous avons réussi à attraper un avion à 6 places pour Anchorage et sommes retournés directement à New York, 5 jours après les événements. NY était plus qu’un endroit désolé. 
 
 
Cette oeuvre s’appelle « Towards Tomorrow » car elle évoque le futur, en photographiant un paysage. Cette artiste et cette oeuvre ont changé ma vision de l’ordre des choses, de la responsabilité morale de l’art.

 

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A propos Thais Borst 23 Articles
Sensible, accueillante, gaie, généreuse, j'ai grandi dans une famille d'artistes. J'ai fais de beaux voyages et cela m'a ouvert l'esprit et la curiosité d'une manière incroyable !

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