A partir du 9 septembre 2020 la crypte archéologique de la cité, située sous le parvis de Notre Dame, ouvre ses portes au public, pour la première fois depuis l’incendie, à l’occasion d’une exposition au regard surprenant.
La collection d’œuvres proposées, toutes des reproductions, montre la cathédrale sous toutes ses coutures : photos, dessins, gravures. Fidèle à elle-même ou transformée par le fantasque des artistes.
L’origine de l’exposition
Au lendemain de l’incendie, dans les profondeurs de la crypte, une fumée noire enserre la gorge des professionnels chargés du lieu. Touchés par l’émotion patrimoniale qui s’est manifestée a posteriori et qui prend différentes formes: reportages, rétrospectives, dons, œuvres en hommage à Notre Dame, ceux-ci ont décidé de proposer au public une exposition qui revient sur la construction de cet attachement à l’édifice. Telle est l’ambition de trois institutions: la crypte archéologique, le musée Carnavalet et la Maison Victor Hugo.
Le rôle d’un écrivain: Victor Hugo
En 1831, quand le roman Notre-Dame est publié par Victor Hugo, la cathédrale est au cœur de débats : faut-il la détruire, elle dont le décor a été fortement endommagé par le temps et des actes de vandalisme lors de la révolution française ? Dans la première moitié du XIXème siècle, le goût populaire méprise l’art gothique. Victor Hugo en 1832 quant à lui regrette la menace de démolition qui pèse sur de nombreux monuments: « il n’y a peut-être pas en France, à l’heure qu’il est, une seule ville, pas un seul chef lieu d’arrondissement, pas un seul chef-lieu de Canton, où il ne se médite, où il ne se commence, où il ne s’achève la destruction de quelque monument historique national ».
Dans son œuvre, Victor Hugo ne s’attarde que très peu sur la dimension spirituelle de l’édifice religieux mais le présente plutôt comme un édifice central pour la ville de Paris. Physiquement, puisqu’il décrit la ville à partir de la cathédrale mais également selon une dimension abstraite puisque le drame se joue dans cet édifice. Notre-Dame se pare de sentiments et ses extravagances qui paraissaient « grossières » et vieillottes sont lustrés d’un voile de mystère. Sous la plume de l’auteur, l’édifice acquiert une toute nouvelle beauté, sombre, monstrueuse, intense.
Suite à la publication de l’ouvrage , c’est un véritable engouement populaire pour Notre Dame qui se manifeste. Il se traduit par une levée de fonds -exactement comme environ 150 ans plus tard lors de l’incendie qui a causé de lourds dégâts- et la décision de restaurer plutôt que de détruire l’édifice.
Le rôle des restaurateurs : Eugène Viollet-le-Duc et Jean Baptiste Lassus
A partir de 1844 Viollet-le-Duc et Lassus sont désignés par le gouvernement pour restaurer l’édifice qui comprend un remontage complet de la grande rose sud et la restitution du décor sculpté. Les éléments décoratifs, les statues et les gargouilles sont restaurées par une équipe d’artistes dirigée par le sculpteur Victor Geoffroy-Dechaume.
Viollet-Le-Duc dessine un décor proche du style de Notre-Dame avant la restauration et limite la liberté d’interprétation des sculpteurs. Pourtant certains éléments sont le fruit de l’imagination de l’architecte, peut-être inspirée de Victor Hugo. On peut penser à la galerie supérieure reliant les deux tours à laquelle les restaurateurs ajoutent des sculptures grotesques et monstrueuses dont la figure du stryge.
Cette chimère condenserait le personnage de Quasimodo, assimilé à une gargouille dans le roman à celui d’Esmeralda condamnée comme sorcière à celui également de Claude Frollo qui prend une position méditative exactement à l’emplacement du stryge de Viollet-le-Duc dans le roman, c’est à dire à l’angle de la tour nord.
Un regard surprenant
Tout l’enjeu de l’exposition réside dans l’idée de lire l’édifice comme un lieu d’émotion, davantage qu’un lieu d’histoire. Bien sûr, les différentes vies du monument sont explicitées, par des reconstitutions vidéos, mais elles ont surtout pour rôle de mettre en lumière l’apport de Viollet-Le-Duc, plus que de montrer une chronologie. Dans la crypte, dans les entrailles de Notre Dame, ont été rassemblées lors de cette exposition les idées, les récits, les ajouts, des hommes du XIX ème siècle qui ont fait l’image qu’on a de la cathédrale aujourd’hui mais également la place qu’on accorde au patrimoine.
Mon avis
L’exposition est intéressante pour son regard et la réflexion des professionnels dont elle est le produit : parler d’émotion patrimoniale dans un lieu unique, un lieu riche d’histoire antique, la crypte archéologique de l’île de la cité.
Pourtant, l’exposition se disperse un peu à mon goût. En effet, le point de vue littéraire, les nombreux textes et citations mais également le choix de nombreuses photographies en font une exposition destinée aux adultes tandis que certains cartels illustrés semblent s’adresser à des enfants. Cette observation en rejoint une autre: le ton adopté tout au long des explications est sérieux et érudit, tandis qu’en fin d’exposition dans le film de clôture il est cérémoniel et élogieux, ce qui entre assez peu en accord avec la couleur framboise qui couvre les murs du parcours et le papier peint style néo-baroque qui donne à l’exposition des allures de café ou d’intérieur design.
Cette exposition, quelque peu dispersée, a toutefois l’avantage d’être à plusieurs voix et peut plaire à chacun.
Enfin, on peut également noter l’absence d’original dans l’exposition: on reste ainsi quelque peu sur notre faim. L’exposition est courte et sans œuvre authentique.
Mais cela s’explique par un choix tout à fait caractéristique de l’exposition et son regard: il s’agit plutôt que de parler d’œuvres rares d’évoquer des inspirations, des fantasmes, et des émotions. Plutôt que de faire une présentation d’œuvres rares au musée Carnavalet, les professionnels ont choisi de parler de l’émotion construite autour de Notre Dame à ses pieds mêmes, dans la crypte où les conditions ne permettent pas de conserver des exemplaires rares, uniques et fragiles des arts graphiques exposés.
Que le public soit rassuré, les reproductions sont bien faites et assumées. En sachant ceci, il s’agit de bien visiter l’exposition en ayant à l’esprit le regard singulier qui l’a façonnée.
Infos pratiques
Plein tarif : 9 € Tarif réduit : 7 € Gratuit pour les moins de 18 ans
réservation en ligne conseillée
https://www.crypte.paris.fr/fr/expositions/notre-dame-de-paris
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