Aux Origines de l’art aborigène contemporain
Musée Royal d’Art et d’Histoire de Bruxelles
La culture le propre de l’homme
« La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. »
La culture par L’UNESCO. Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet – 6 août 1982
C’est l’essence de notre humanité, ce qui nous lie, et celle dont nous avons été privés pendant de trop nombreux mois.
Le musée royal d’art et d’histoire de Bruxelles inaugure sa première exposition temporaire depuis la crise sanitaire et promet au visiteur de vivre le temps du Rêve. Le rêve comme vaisseau culturel pour rassembler la société à destination des origines de l’art aborigène contemporain.
Au fil de la lecture de cet article, différentes clés de compréhension vous seront données afin de pouvoir décrypter les enjeux et le rôle de cette exposition pour en tirer un maximum de richesse de l’art aborigène d’Australie.
Saviez-vous que la conception linéaire du temps est typiquement occidentale et est un héritage judéo-chrétien ?
La culture immatérielle.
L’exposition explore les temps immémoriaux du concept de « dreaming », du Rêve, de la plus ancienne culture ininterrompue du monde. Leur identité propre se transmet oralement depuis 65.000 ans. Comment une culture immatérielle a elle pu se transmettre pendant des millénaires ?
En Europe, nous pouvons remonter le cours du temps en se baladant dans une ville. Les musées accueillent les vestiges archéologiques qui sont les témoins de notre passé, les monuments historiques ont une signification du contexte culturel. Pour qu’une culture existe, il faut qu’elle s’exprime dans un espace et un temps. Il restera toujours quelques choses de l’espace, quelque soit le passé.[2]
En Australie, la culture se transmet oralement de génération en génération par une tradition de transfert de rites, de cérémonies, de danses et ou le concept de Rêve tient une place prépondérante.
[2] Méthode espaces et sociétés. N. Cauwe, P-L. van Berg, M. Vander Linden.
CAUWE N., VAN BERG P.-L. (dirs), 1998. Organisation néolithique de l’espace en Europe du Nord-Ouest. Actes du XXIIIe Colloque interrégional sur le Néolithique (Bruxelles, 24-26 octobre1997). Bruxelles, Société royale belge d’Anthropologie et de Préhistoire (= Bulletin de la Société royale belge d’Anthropologie et de Préhistoire, 109), 307 p.(compte rendu dans : Bulletin de la Société Préhistorique Française , 97/4 (2000), p. 676-677).
Saviez-vous que
Il existe +/- 250 langues australiennes ? Chacune ayant ses propres dialectes.
Un mythe millénaire et contemporain.
Before time Began est une expression utilisée par les aborigènes pour expliquer leur cosmogonie aux non initiés. Avant la création, avant l’apparition de toute les choses vivantes, le monde n’était qu’une plaine vide. S’en suit une période nommée « temps du rêve » où de gigantesques créatures semi humaines se mirent à traverser le paysage vaquant aux mêmes tâches que les mortels. Soudain ce temps mystique prit fin, les créatures furent transformées en rocher, arbre et colline ou devinrent céleste et furent changées en vent, pluie, tonnerre. Ces êtres mythiques du temps du rêve fondèrent l’identité culturelle et les lois sociales dont les aborigènes d’aujourd’hui suivent encore les principes. Cette mythologie est le moteur des œuvres des artistes aborigènes d’hier et de demain.
Une exposition qui évolue : Aux Origines de l’art aborigène contemporain
« Before Time Began » a été créée et montée en 2019 et 2020 à la Fondation Opale, à Lens, en Suisse avant de voyager jusqu’au cœur de l’Europe, à Bruxelles. Le musée d’art et d’histoire l’a étoffé en y ajoutant une partie consacrée à l’environnement matériel (avec des objets provenant du musée de l’Afrique, du MAS, du Nationaal Museum van Wereldculturen, et du musée Malgré-Tout) ainsi qu’une partie dédiée aux photographies de Michael Cook. Cook est un artiste visuel qui promeut la compréhension de la culture et de l’histoire indigène australienne en jouant sur la question éthique suivante : qu’est ce qui rend une personne civilisée ? L’artiste dégage en filigrane la problématique de la colonisation occidentale de l’Océanie.
Le parcours de la visite commence avec la partie ethnographique, composée de boucliers, boomerangs, propulseurs, didgeridoos et poteaux funéraires, pour ensuite se plonger dans la dimension du Rêve et de la Création, mais aussi la naissance de l’art contemporain. On peut y voir des peintures traditionnelles des années 1950 sur écorce d’eucalyptus, peintes au bâton avec des ocres naturelles. Des toiles et panneaux des années 1970, peintes avec de la peinture industrielle ainsi que des œuvres monumentales récentes. Elles ont le dénominateur commun le fait d’illustrer les récits mythiques ancestraux, de représenter un temps qui n’a pas de temps.
Savez-vous qui a découvert l’Australie ?
Abel Tasman(1603-1659), pour augmenter les débouchées commerciales sous l’impulsion des puissances coloniales et non pas dans un but d’exploration.
Les enjeux des artistes contemporains.
Pourquoi le processus de création du Rêve vieux de dizaines de milliers d’années peut-il encore influencer l’histoire de l’art aborigène contemporaine ? Les effets de la colonisation de la « terra nullius » furent extrêmement rude pour les autochtones, la reconnaissance de leur identité culturelle propre a été mise à mal pendant des siècles. Voila tout l’enjeu du processus créatif des artistes, se réancrer dans la transmission de la forme plastique du Rêve, se réapproprier les principes actifs qui ont prit part à la création de l’univers, s’affirmer comme descendants des êtres ancestraux mythiques qui engendrèrent le monde. Le lien entre la Terre est les Hommes forme l’essence de l’art traditionnel et contemporain.
L’art aborigène contemporain commence par le mouvement pictural du désert occidental en 1971 et marque le début de l’utilisation de la peinture industrielle offrant une palette chromatique riche et variée. Avant cela les œuvres étaient réalisées sur écorce avec des pigments naturels.
Le point d’orgue de l’exposition est l’installation du projet Kulata Tjuta. Ce projet relie les cultures précoloniales, représentée par les artistes plus âgés, et les nouvelles générations qui ont subi l’influence occidentale. Créée spécialement pour la fondation Opale en 2019, elle représente un kupi-kupi (petite tornade de poussière en forme d’entonnoir et ayant une forte charge symbolique : annoncer la mort d’un ancien ou comme signe de changement), elle forme une double hélice suspendue composée de 1500 lances(kulata) dont les ombres se reflètent sur les murs.
-Première exposition sur l’art aborigène contemporain en Belgique.
-Découvrir l’art, la culture et les mythes des peuples aborigènes.
– Comment sauvegarder un patrimoine immatériel.
-Amener le spectateur vers une réinterprétation de la colonisation et de la décolonisation.
-Rendre compte de l’inouïe richesse des différents peuples autochtones.
-La nécessité de transparence concernant la provenance des pièces issues de collectifs qui respectent un code éthique.
-Conscientiser sur l’écologie en abordant les désastreux feux de forêt qui ont ravagé la faune et la flore en 2019-20 en Australie.
-Unir la société, fragmentée par le covid, autour du ciment qu’est la culture.
[2] Méthode espaces et sociétés. N. Cauwe, P-L. van Berg, M. Vander Linden.
CAUWE N., VAN BERG P.-L. (dirs), 1998. Organisation néolithique de l’espace en Europe du Nord-Ouest. Actes du XXIIIe Colloque interrégional sur le Néolithique (Bruxelles, 24-26 octobre1997). Bruxelles, Société royale belge d’Anthropologie et de Préhistoire (= Bulletin de la Société royale belge d’Anthropologie et de Préhistoire, 109), 307 p.(compte rendu dans : Bulletin de la Société Préhistorique Française , 97/4 (2000), p. 676-677).
Before Time Began – Aux Origines de l’art aborigène contemporain
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