Revoir le musée Carnavalet, après cinq longues années de travaux.
Revoir l’histoire de Paris, à travers son musée qui a fait peau neuve.
“Revoir Paris”, la première exposition temporaire de ce presque nouveau musée, qui s’est associé à la Fondation Henri Cartier-Bresson pour mettre en lumière l’importance de la capitale dans l’œuvre du photographe.
À moins que ce ne soit plutôt celle d’Henri Cartier-Bresson dans l’histoire de la ville lumière ?
À l’heure de la pandémie de Covid-19 et de la levée progressive des interdictions, le titre de cette exposition “Revoir Paris”, résonne tout particulièrement à nos oreilles. Avec la reprise de la vie culturelle et le plaisir retrouvé de voir les terrasses des cafés peuplées de visages souriants, nous avons tous l’impression de revoir Paris. Le vrai Paris, vivant et animé. Celui qui aurait sans nul doute inspiré Henri Cartier-Bresson, le photographe incontesté de la vie parisienne. Cette exposition retrace la vie de l’artiste qui, s’il a longuement voyagé à travers le monde, revenait toujours inexorablement dans la capitale française, et souligne l’empreinte profonde que Paris a marqué sur sa vie et son œuvre.
Le « maître de l’instantané »
C’est avec le Leica, un petit appareil photo assez léger qui se porte à hauteur d’yeux, que Henri Cartier-Bresson se met à la photographie. Artiste complet qui aime aussi le dessin et la littérature, il trouve dans la photographie une technique adaptée à ses ambitions : composer des images sur le vif.
Une flaque d’eau, l’ombre d’un monument ou une silhouette qui fait parfaitement écho à la courbe d’une ruelle, il n’en faut pas plus au photographe pour trouver l’inspiration. Ses compositions, il les crée au fur et à mesure qu’elles apparaissent à lui. En effet, le photographe passionné par la géométrie trouve dans Paris des compositions géométriques qui l’enchante et qu’il souhaite révéler au monde.
Un amoureux de géométrie, influencé par le cubisme et le surréalisme
Henri Cartier-Bresson décrit sa profession comme un affût : une fois qu’il a trouvé un cadre qui lui plaît, il peut attendre des heures durant qu’un passant arrive pour sublimer la composition. Il parle de son goût pour la géométrie comme d’un véritable plaisir visuel, une sorte de reconnaissance de l’ordre que le monde peut offrir au regard. Il faut dire que c’est dès l’âge de 18 ans qu’il rejoint le peintre cubiste André Lhote dans son atelier. Cette influence cubiste forgera son amour pour la géométrie.
Son amour de l’attente et de la part de hasard dans la création, c’est aux surréalistes qu’il la doit. Il fréquente les débats organisés par André Breton et se plaît dans l’esprit de révolte qu’il trouve dans ce cercle. « C’est au surréalisme que je dois allégeance, car il m’a appris à laisser l’objectif photographique fouiller dans les gravats de l’inconscient et du hasard », confesse Henri Cartier-Bresson en 1995. Pourtant, il choisira de ne jamais se présenter en tant que surréaliste, craignant d’être catalogué ou de ne pas recevoir de commande de presse et d’édition. Il accepte d’être perçu comme un photojournaliste et garde ses influences surréalistes pour lui, comme un jardin secret.
Un photographe engagé ?
Aux côtés des surréalistes, il se forge un idéal presque révolutionnaire et connaît une période assez militante dans ses vertes années. Il se rapproche du parti communiste après les émeutes de février 1934 et rejoint l’Association des artistes et écrivains révolutionnaires. Dans cette période, il se délaisse du nom de sa grande famille industrielle pour ne plus signer ses œuvres que du nom d’Henri Cartier. Il devient alors salarié du quotidien Ce Soir, dirigé par Aragon. Mobilisé pendant la Seconde Guerre mondiale, il reviendra à Paris juste à temps pour vivre la Libération, qui est un des rares événements historiques que le photographe couvrira. Si quelques années plus tard, il restera attentif aux révoltes qui surgissent dans les rues de Paris, et photographie notamment Mai 68, Henri Cartier-Bresson préfère finalement photographier la vie quotidienne et capter avec son appareil photo ce que son regard à su voir dans la beauté du quotidien. « Je n’ai ni message ni mission, j’ai un point de vue », déclare-t-il.
Un portraitiste et un dessinateur
Si Henri Cartier-Bresson a su saisir des Parisiens inconnus et rendre hommage aussi bien au jeune vitrier au travail qu’à un couple s’embrassant par-dessus la table d’un café sous le regard médusé de leur chien, il a également réalisé des portraits de commande pour la presse et l’édition. Au fil de l’exposition, vous pourrez croiser le joli minois d’Édith Piaf, le regard incomparable de Jean-Paul Sartre ou encore un saisissant Alberto Giacometti incommodé par la pluie. Par la suite, il réalisera également des portraits en intérieur. Lors de ces rencontres, Henri Cartier-Bresson ne prends que quelques clichés au fil de la discussion. Pas d’indication au modèle, pas d’objets déplacé pour saisir son quotidien, pas d’éclairage et « pas de flash, ce n’est pas l’éclairage de la vie ».
À la fin de sa vie, il délaisse la photographie pour se consacrer au dessin, qu’il pratiquait déjà dans ses jeunes années. Même en changeant de médium, il conserve son goût pour la géométrie et pour le décor parisien.
« La photo est une action immédiate ; le dessin un méditation »
Henri Cartier-Bresson, 1996
Un artiste foncièrement parisien
Henri Cartier-Bresson considère Paris comme sa “marmite”, c’est-à-dire une source inépuisable d’inspiration et de moments qu’il souhaite capter. Finalement, le titre de cette exposition, “Revoir Paris”, signifie sûrement être capable de s’étonner et de rester ouvert d’esprit dans une ville que le photographe connaît par cœur.
Aujourd’hui encore, son œuvre est indissociable de la ville lumière. En 2021, on voit encore ses photographies vendues comme cartes postales et plébiscitées par les touristes du monde entier. Comment expliquer ce caractère intemporel des clichés parisiens de l’artiste ? Peut-être parce qu’Henri Cartier-Bresson avait ce talent de capter en une image la synthèse de tout ce qui fait la vie parisienne.
Une première exposition très réussie pour la réouverture du musée Carnavalet, qui sans nul doute va attirer les foules cet été.
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