DU DOUANIER ROUSSEAU A SERAPHINE, les grands maîtres naïfs

Du Douanier Rousseau à Séraphine
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DU DOUANIER ROUSSEAU A SÉRAPHINE, les grands maîtres naïfs

Du 11 septembre 2019 au 19 janvier 2020 au musée Maillol.

Dès nos premiers pas dans l’exposition, le mot d’ordre est donné: mise à l’honneur. Le premier regard du spectateur croise celui du Douanier Rousseau qui s’envole pour rejoindre un panthéon d’artistes d’exception, Ingres, Delacroix, Courbet, Cézanne et Renoir dans une toile signé Rimbert. Pour René Rimbert, il s’agit de reconnaître le génie du Douanier et de s’inscrire dans sa lignée. Pour les créatrices de l’exposition, Jeanne-Bathilde Lacourt, et Alex Susanna,  il s’agit de donner la couleur et de commencer par rappeler que la reconnaissance des artistes naïfs n’a pas toujours été évidente, bien au contraire, puisqu’elle a nécessité d’être fervemment défendue par certains d’entre eux tels que Rimbert.

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Ici réside l’enjeu majeur de l’exposition: mettre en lumière des artistes du début du XXème qui ont connu l’obscurité et ses méandres, les critiques et les esclandres.

Pour faire découvrir au public un style et des artistes bien souvent méconnus, les chargés d’exposition ont conjugué plusieurs approches. D’abord, les panneaux explicatifs et les cartels adoptent une approche historique et analytique afin de donner les grands éléments caractéristiques du Naïf. Dans les premières minutes de visite, c’est le contexte d’apparition du courant qui est dévoilé au public. On est plongés au cœur des collections de Dina Vierny puis de Whilelm Uhde, qui ont tous deux largement contribué à la reconnaissance des maîtres naïfs ou ceux qu’Uhde appelle les « primitifs modernes ».

Le public est donc pris au cœur des débuts d’un XXème siècle qui ne cesse de crouler sous les traditions et sous la profusion des mouvements artistiques. Dans les dernières décennies du XIXème siècle, Paul Gauguin disait, dans une lettre de Tahiti, vouloir remonter plus loin que les chevaux du Parthénon jusqu’au cheval de bois de son enfance. Des années plus tard, il semble que les artistes dits naïfs cherchent, dans la même lignée que Gauguin, à approcher non pas d’un idéal canonique à l’image de ceux des académismes et des avant-gardismes, mais de quelque chose de plus simple, de plus sincère, de plus personnel. En ce sens, les artistes ont proposé des esthétismes et des graphismes bien différents les uns des autres  tout en partageant entre eux un parti d’expression, celui de poser un regard naturel, spontanée , original, non savant sur le monde qui les entoure.

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Dans la première salle, on découvre l’œuvre d’André Bauchant, on entre dans son travail par le biais des fleurs, caractéristiques des intérêts personnels du peintre puisqu’il était pépiniériste. Dans la même salle, à quelques enjambées d’écart, on découvre Louis Vivin par ses vues du Sacré Cœur. Chez Bauchant on retiendra l’aspect « inventaire » de ses compositions fleuries à étagements, ainsi que l’originalité de la perspective et de l’échelle, qui n’est pas toujours « réaliste », au sens où il ne respecte pas tout à fait la consistance des volumes ni les règles élémentaires de la perspective géométrique. Chez Vivin, la précision des lignes saute aux yeux, mais l’absence de perspective à certains endroits, ou d’ombres sur ses monuments, intrigue et donne une sensation d’étrange, de mystère. Tous les éléments d’architecture qui composent le Sacré cœur sont soigneusement délimités tant et si bien que la vision globale n’a rien de « réaliste », de fidèle à ce qu’un sujet humain pourrait percevoir en temps réel. La netteté de chaque massif de fleurs n’est pas destinée à rendre une vision fidèle du réel mais plutôt à évoquer l’étrange des songes, et par la reproduction presque trop pointue de l’existant, c’est l’imaginaire que Vivin convoque.

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Par la mise en perspective de ces deux artistes, le spectateur saisit le cœur de l’art naïf: sous le trait, fin, précis, les artistes disent le mystère et l’étrangeté du monde. Les explications données sonnent le glas: les artistes dits « naïfs » se voient attribuer ce nom justement à cause de ce trait précis dans la forme qui ne cherche pas à évoquer la fugacité du mouvement, ni l’inconstance de la réalité. Ce trait il est pensé, bien sûr par les artistes, mais ce que dit l’exposition c’est que cette « innocence » de la technique vient d’une caractéristique propre à presque tous les artistes naïfs, à savoir qu’ils sont autodidactes. Alors, leur style, leur patte, les artistes ne la doivent à personne d’autre qu’à eux-mêmes. Ils semblent a priori se détacher des règles classiques de l’art pictural.

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Survient ainsi, l’importance d’une autre approche adoptée par les chargés d’exposition. L’exposition ne se contente pas d’énumérer de grandes idées sur le courant naïf. Non, par une approche intimiste, elle s’approche au plus près du processus d’apprentissage et de création en dévoilant le parcours de chacun des artistes. Le récit de leurs parcours de vie permet d’entrer au cœur de leur travail: parce que c’est dans leur vie qu’ils ont puisé leur savoir et leur créativité. Certains se sont servis de leurs savoirs professionnels à l’image de Bauchant, pépiniériste de profession, qui peint des compositions florales savamment organisées.

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L’exposition livre l’histoire personnelle et intime des artistes, sans chercher à expliquer toutes leurs préoccupations esthétiques par leurs expériences et leurs intérêts individuels. Il s’agit d’éclairer leur travail, sans l’aveugler, sans faire disparaître la matière derrière l’homme. Dans la toute première salle qui nous donne à travers Vivin et Bauchant, une première idée du mouvement, le spectateur a la possibilité de lire quelques lignes biographiques sur chacun des artistes exposés. Dans cette perspective, il s’agit de donner au spectateur des clés de lecture, non pas pour l’ensemble des œuvres naïves mais plutôt des clés pour entrer dans l’univers singulier de chacun des artistes comme l’annonce le pluriel du titre « les maîtres naïfs ».

L’intérêt de cette exposition est justement de savoir faire la balance entre l’unité stylistique et réflexive du mouvement tout en rendant aussi visibles les singularités de chaque artiste.

La démonstration de l’unité se fait concrètement par le choix d’un parcours thématique: ainsi les artistes ne sont pas isolés les uns des autres, l’exposition retrace les grands thèmes du courant et montre visuellement les connections entre les artistes. La salle intitulée « les tables magnétiques » met en perspective le travail de Bauchant, de Jean Eve, de Camille Bombois, de Peyronnet, de Vivin, de Séraphine Louis, et de Rimbert. Il apparaît que chacun s’intéresse à la nature morte et aux scènes de banquet. Et on peut facilement s’essayer au rapprochement de certaines toiles. Bombois comme Desnos ouvrent une fenêtre sur le monde extérieur à la manière des peintres flamands du XVème.

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De même les œuvres de Bombois ont un espace qui leur est réservé, isolé du reste de l’exposition.

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Bombois incarne une autre dimension de l’art naïf: celle de la couleur intense. On a vu le trait précis et les aplats de couleur minutieux chez d’autres artistes. On retrouve ces caractéristiques chez Bombois avec un intérêt particulier pour les contrastes et l’intensité des coloris. Cette vivacité des couleurs rappelle nos premières peintures d’enfants. Pourtant, ce traitement de la couleur ainsi que le trait naïf s’oppose, chez l’artiste, à des scènes très crues, à des nus, souvent vus frontalement, sans détour. Les chairs clairs sont exposés à des lumières intenses et se détachent sur des fonds sombres.

Dans la toile Fillette à la poupée, différents éléments attirent notre attention: le tissu rouge vif de la robe qui se finit en flaque de sang derrière la « fillette ». Fillette qui adopte une position sensuelle, les jambes légèrement écartés, le visage tourné vers une figurine d’homme. D’autres indices nous mettent sur la piste qu’il ne s’agit pas d’une enfant innocente comme le suggérerait l’activité de jouer à la poupée: la présence d’une sculpture féminine nue en arrière plan ainsi que celle de deux chats autour de la « fillette », animal qui représente la ruse, la traîtrise, la luxure aussi parfois à l’inverse du chien qui incarne le plus souvent la fidélité

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Le parcours thématique permet aussi, par rapport à un parcours chronologique, de proposer au spectateur une véritable expérience esthétique. Cette exposition nous informe, nous enseigne, nous initie mais elle nous fait aussi et surtout, ressentir. Et c’est là que réside certainement son point le plus fort. En effet, on ne peut parler de cet évènement culturel que représente l’exposition sans souligner l’importance et le soin accordé à l’aménagement de chacune des salles. Dans la salle dédiée au thème de la mer, les murs couleur sable transportent le public au bord de la plage, là où attend, une femme fière et souriante qui prend la pose, celle décrite par les traits minutieux et les aplats de couleur homogène du peintre Peyronnet.

 

 

 

La salle des « fleurs de la passion » se revêt d’un gris pâle, fade, elle s’efface pour laisser resplendir et s’éclater les couleurs vives, fantaisistes et bruyantes des toiles de Séraphine Louis. Tandis que dans la salle « vues sur la ville » où Rimbert est mis à l’honneur, par sa couleur ocre, rouge brique, accompagne, fait écho aux toits peints par l’artiste: cet espace du musée semble alors être un gigantesque toit dont la vue est constituée par les toiles de René Rimbert.

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Enfin, dans la salle dédiée aux paysages « exotiques », aux forêts tropicales fantasmées qui associent des espèces végétales étrangères à des plantes visibles en Touraine, les œuvres du Douanier Rousseau, mais aussi celles de Desnos, de Vivin et de Bauchant sont plongées dans la pénombre d’un vert profond qui rappelle les tréfonds des bois et qui ajoute au caractère mystérieux et idyllique des toiles.

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En définitive, l’exposition « les grands maîtres naïfs » a été conduite selon une approche pédagogique qui permet de sortir du musée en ayant la sensation d’avoir appris, mais elle permet aussi de passer un agréable moment et de gagner en créativité. J’ai particulièrement apprécié la dimension intimiste qui sans trop en dévoiler permet de vraiment saisir l’individualité de chaque artiste qui pourrait être effacée à force de vouloir théoriser le courant. A mes yeux, conserver les individualités quitte parfois à avoir presque du mal à identifier l’unité esthétique globale, tant les naïfs ont fait différemment, permet de conserver les aspérités du courant, ses contrastes et ses paradoxes et ainsi continuer de porter un regard naïf sur leur travail.

Pour finir, on apprécie dans cette exposition, des espaces ouverts, aérés qui laissent place à une scénographie particulièrement intéressante car esthétique et édifiante: les calligraphies aux formes fantasmagoriques et dansantes rappellent la dimension d’étrangeté chère aux naïfs quand les murs et les sols revêtent des couleurs adéquates vis-à-vis des œuvres présentées. Ainsi, grâce à tous ses éléments explicatifs, l’exposition se suffit à elle-même, les audioguides n’apportent pas réellement d’information supplémentaire, ou du moins pas d’information cruciale. D’autre part, la visite pourra être appréciée de tous: les amateurs et les enfants ne s’ennuieront pas de la scénographie qui se renouvelle à chaque salle, et les plus savants apprécieront des mises en perspective avec d’autres arts comme la vidéo de fin d’exposition qui rapproche l’art des naïfs d’autres disciplines telles que la composition végétale ou la création d’herbiers.

 

Manon Diaz

 

INFORMATIONS

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ACCES

Tous les jours de 10h30 à 18h30/ 20h30 le vendredi

(dernière admission 30 minutes avant l’horaire de fermeture)

Musée Maillol: 60 rue de Grenelle 75007 Paris

Métro (12) rue du Bac/ Bus 63,68,69,83,84,94,95/ Velib station Boulevard Raspail

 

TARIF

plein tarif: 13,5/ tarif sénior: 12,5 / tarif réduit: 11,5/ 7-25 ans : 9,5/ gratuit pour les moins de 7 ans

(audioguides : +3)

 

A SAVOIR

Accessible aux personnes à mobilité réduite (ascenseur 59 rue de Grenelle)

Poussettes doivent être déposées à l’accueil/ portes-bébés mis à disposition

Bagages et valises refusées dans le cadre de vigipirate

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A propos Manon Diaz 2 Articles
Manon, 19 ans, élève en 1ère année à l'école du Louvre. Lectrice chevronnée et amoureuse de l'art, écrire sur des expositions me permet de conjuguer mes deux passions. Sensible aux arts de l'exposition, je suis toujours à la recherches de scénographies créatives.

3 Commentaires

    • Bonne idée ! Vous ne serez pas déçus je pense. N’hésitez pas à donner votre avis en commentaire, quand vous serez allés la voir 🙂

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