Botticelli : raffinement absolu au musée Jacquemart-André

Une fois de plus, le musée Jacquemart-André présente pour la rentrée une sublime exposition entre ses murs. Cette année est à l’honneur Alessandro Filipepi, dit Botticelli (vers 1445-1510), peintre très représenté dans la collection des époux André qui possédaient quatre de ses oeuvres.

Botticelli Jacquemart-André

L’exposition Botticelli au musée Jacquemart-André ne se veut pas une énième manifestation sur cet artiste bien connu, mais propose de replacer Botticelli au sein de son atelier, et plus largement, du milieu artistique de son époque. Le fil rouge de la présentation est la fièvre créatrice qui anime le peintre florentin, au travers d’oeuvres moins connues, et même d’objets d’art pour lesquels il donne des dessins.

Les débuts dans l’atelier de Filippo Lippi

La première section de l’exposition est consacrée aux débuts de Botticelli dans l’atelier de son maître Filippo Lippi (vers 1406-1469), après une première formation d’orfèvre. Auprès de Lippi, Botticelli assimile le rendu des volumes et des couleurs, l’intense tendresse des Vierges à l’enfant, et bientôt, l’élève dépasse le maître. Botticelli prend son envol et son style s’individualise, caractérisé par des figures féminines plus allongées et gracieuses, aux boucles de cheveux stylisées. Vers 1467, il ouvre son propre atelier et devient maître à son tour.

Botticelli, maître d’atelier à son tour

Dans son atelier, justement, Botticelli recueille Filippino Lippi, fils de son ancien maître, après la mort de celui-ci. Le jeune homme devient un de ses assistants les plus doués, tandis que Botticelli, en capobottega (chef d’atelier) dessine et supervise le travail de ses collaborateurs. Le terme de designer qui apparaît dans le sous-titre de l’exposition se comprend ainsi au sens du disegno italien, qui renvoie à l’idée de chef d’atelier et inventeur.

Alessandro Filipepi dit Botticelli, et Filippino Lippi, L’Arrivée d’Esther devant Suse, vers 1475, tempera sur bois, Ottawa, Musée des beaux-arts du Canada
Alessandro Filipepi dit Botticelli, et Filippino Lippi, L’Arrivée d’Esther devant Suse, vers 1475, tempera sur bois, Ottawa, Musée des beaux-arts du Canada

Non seulement Botticelli fournit le dessin préparatoire de peintures, mais il conçoit aussi des oeuvres pour les arts décoratifs, et l’originalité de l’exposition est ainsi de présenter une chape brodée et une tapisserie réalisées d’après les dessins du maître ; on admirera leur remarquable état de conservation.

Manufacture française d’après Botticelli, Minerve pacifique, vers 1491-1500, collection particulière
Manufacture française d’après Botticelli, Minerve pacifique, vers 1491-1500, collection particulière

Un artiste hors pair chez les Médicis

Surnommé l’Apelle toscan, Botticelli s’attire par son talent les faveurs des plus grands mécènes de son temps que sont les Médicis. Il réalise notamment, de façon posthume, le portrait de Julien, frère de Laurent le Magnifique, assassiné en 1478 lors de la conjuration des Pazzi. L’art de portraitiste de Botticelli est remarquable par l’intensité de la présence du modèle, fût-il déjà décédé, par l’extrême finesse de l’exécution, et le fond neutre faisant ressortir la figure par contraste.

Alessandro Filipepi dit Botticelli, Portrait de Julien de Médicis, vers 1478-1480, tempera et huile sur bois, Bergame, Accademia Carrara
Alessandro Filipepi dit Botticelli, Portrait de Julien de Médicis, vers 1478-1480, tempera et huile sur bois, Bergame, Accademia Carrara

Outre les portraits masculins, Botticelli excelle dans la représentation de la grâce féminine, qu’elle soit incarnée par des Vénus rêvées ou par des femmes bien vivantes de son temps. La postérité a retenu ce portrait de Simonetta Vespucci, femme mariée d’une remarquable beauté, que Julien de Médicis vénérait d’un amour platonicien. Il est frappant de constater que la mise en scène de son visage en pleine lumière sur le fond obscur constitue une mise en abyme par rapport au pendentif en camée qu’elle porte autour du cou : cela souligne combien Simonetta est assimilée à une beauté antique, référence esthétique absolue à l’époque.

Un peintre religieux au temps de Savonarole

Malgré ces références antiques et mythologiques, Botticelli et son atelier excellent dans les peintures religieuses, d’autant plus prisées avec l’avènement de la théocratie de Savonarole à Florence. Botticelli apprécie particulièrement les tondi, format rond à la composition pourtant difficile. Et le magnifique crucifix de la dernière salle vient renforcer l’idée que le peintre aime se confronter aux formats originaux : cette oeuvre reprend les crucifix sculptés de Donatello et Brunelleschi au début du siècle, mais sublime le sujet par une représentation de la grâce apaisée… une image éternelle, en quelque sorte.

Info exposition Botticelli au Musée Jacquemart-André

Exposition Botticelli du 10 septembre 2021 au 24 janvier 2022 au Musée Jacquemart-André

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A propos Victoire Ladreit de Lacharrière (Houdré) 13 Articles
Etudiante à l'Ecole du Louvre, je suis passionnée par la peinture française et européenne, peut-être parce que j'aime moi-même peindre et dessiner. Amateur d'art, artiste en herbe ou simple curieux, suivez-moi à travers les expositions parisiennes et je vous ferai découvrir ma passion pour l'art classique !

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