Une journée avec Cocovan et « The World Letter »

Cocovan en train d'expliquer "The World Letter" - Dimanche 13 sept, Place de la République.
Cocovan en train d'expliquer "The World Letter" - Dimanche 13 sept, Place de la République.

Qui est Cocovan ?

 

Comme vous l’avez peut-être vu sur Instagram (si ce n’est pas le cas, je vous invite fortement à suivre le compte @parisienneries), dimanche 13 septembre, je suis allée Place de la République dans le 11e arrondissement de Paris pour rencontrer l’artiste Cocovan et son projet « The World Letter ».

Cocovan assise sur son trône en forme de coeur face à "The World Letter" - Dimanche 13 sept, Place de la République
Cocovan assise sur son trône en forme de coeur face à « The World Letter » – Dimanche 13 sept, Place de la République

« The World Letter » est une œuvre poétique, humaniste et participative.

Elle vous expliquera son œuvre mieux que moi dans une interview que l’on vous prépare, mais pour faire court, « The World Letter » est une œuvre poétique, humaniste et participative. C’est une lettre d’amour au monde et écrite par le monde. Cette gigantesque lettre née en 2017 a aujourd’hui fait le tour de la planète et a été signée par plus de 22 000 personnes. En plus d’être un projet sublime, c’est une œuvre participative, c’est-à-dire que vous-même, vous pouvez participer à la création d’une œuvre d’art avec des milliers d’autres personnes (et ça déjà, c’est génial), et en plus pour répandre de l’amour ! Je ne sais pas quoi vous dire d’autre pour vous convaincre d’aller voir la prochaine performance de Cocovan.

 

 

Une aventure humaine à part entière

En plus d’être une œuvre très belle, autant symboliquement que visuellement, c’est une aventure humaine à part entière. Pour comprendre, laissez-moi vous raconter ma journée de dimanche dernier :

Je suis arrivée place de la République dimanche vers 15h. Je pensais rester 30min, peut-être une heure maximum, le temps d’interviewer Cocovan, signer la lettre, prendre quelques photos, faire quelques stories et c’était plié. Je serai chez moi pour l’heure du goûter. Je m’imaginais dans une file d’attente interminable de gens venant laisser leur trace sur cet immense morceau de papier, et me retrouver noyée dans la foule à dessiner des petits cœurs.

Mais que nenni.

Elle plonge tous ceux qui s’approchent de son œuvre dans un immense bain de tendresse.

Là bas, il n’y avait ni la queue, ni une foule bruyante se pressant autour de la lettre. Dommage en un sens, mais aussi tant mieux pour moi. J’avais échangé rapidement sur Instagram avec Cocovan, mais à peine arrivée, elle s’est avancée vers moi en mangeant une barre de céréales Lion et m’a dit en riant : « J’ai demandé à ma mère de m’apporter un truc healthy à manger, mais elle m’a rapporté ça ». Elle m’a tout de suite ouvert les bras et nous avons parlé comme si nous nous connaissions depuis toujours. Par son regard, ses paroles, sa bienveillance infinie, elle plonge tous ceux qui s’approchent de son œuvre dans un immense bain de tendresse.

Ainsi, « The World Letter » est surtout une expérience humaine et vivante.

Un moment intime entre des inconnus arrivant de partout et de nulle part, qui ne se ressemblent pas, qui ne se seraient peut-être jamais parlés, et qui, pendant 5, 10, 30 minutes, une heure ou plus, se livrent les uns aux autres.

Un SDF accroupi en train de lire "The World Letter" - Dimanche 13 sept, Place de la République.
Un SDF accroupi en train de lire « The World Letter » – Dimanche 13 sept, Place de la République.

Il y a d’abord eu cet homme abimé par la vie, avec son chien, son sac en plastique Carrefour rempli de vêtements, qui faisait la manche de l’autre côté de la rue. Il s’est approché, a commencé à lire la lettre et s’est mis à pleurer. Comme un signe d’extrême mise à nu, il a sorti sa kippa de son sac et l’a posée sur sa tête. Il nous a parlé de sa vie dans la rue. De ses cicatrices visibles et invisibles. De sa religion, le judaïsme, et de sa perte de foi : « Après 10 ans passés dans la rue, tu sais, moi je n’y crois plus. On m’a abandonné, c’est fini pour moi ». Il a relevé ses cheveux et m’a montré son front. Une énorme cicatrice le traverse de gauche à droite. On a tenté de le tuer avec une hache. « C’est ça, vivre dans la rue ». Il pleura tout le long de notre échange. Mais malgré ça, il garde espoir. Il veut garder la foi. Il se comparait au Christ, lors de ses 40 jours de jeun dans le désert, alors qu’il est tenté par Satan mais lui résiste toujours. Puis, au bout d’une heure passée avec nous, il est reparti vers la misère.

Les rencontres permises grâce à ce projet

Ensuite il y a eu Moshé, un jeune franco-israélien bloqué à Paris par le Covid, attendant de retourner en Israël. Comme la plupart des participants, il est arrivé sur « The World Letter » par hasard, alors qu’il rentrait chez lui en Vélib. Et de fil en aiguille, il a fini par rester avec nous jusqu’à la tombée de la nuit. Ensemble, nous avons parlé des heures de la laideur notre monde, auquel nous venions pourtant d’écrire une lettre d’amour. Nous nous sommes assis et avons partagés nos combats, nos peines et nos vies toutes entières.

Jamais, en venant ce dimanche place de la République, je n’aurais imaginé me retrouver à discuter de la Bible avec un SDF et de mon enfance avec un parfait inconnu.

Cocovan étant seule pour organiser et gérer cette performance, elle m’a demandé à plusieurs reprises de la relayer.

Je suis ainsi devenue moi-même ambassadrice de cette lettre, expliquant aux passants le projet, les encourageant à venir lire et signer cet immense rouleau de papier coloré.

Une véritable transmission de bienveillance s’effectue alors : découvrant ce projet par hasard, les passants finissent par inciter les autres à venir écrire, vont chercher leur amis assis plus loin, prennent des photos, posent des questions… L’unité qui se crée alors est d’autant plus intéressante qu’elle touche des gens très hétérogènes : on retrouve toutes les générations, tous les milieux sociaux, toutes les langues… Rien que ce dimanche à Paris, la lettre a été signée en chinois, en espagnol, en hébreux, en arabe, en anglais et en français. Un magma culturel bout constamment autour de cette œuvre.

Je suis rentrée chez moi vers 22h, après avoir aidé Cocovan à ranger « The World Letter » et à monter dans un Uber.

Cocovan en train d'expliquer son oeuvre à des passants - Dimanche 13 sept, Place de la République.
Cocovan en train d’expliquer son oeuvre à des passants – Dimanche 13 sept, Place de la République.

Il me faudrait plusieurs pages pour décrire toutes les personnes que j’ai rencontré ce jour-là, tous les échanges que nous avons eus, avec toujours cette même bienveillance et cette foi en l’humanité qui me semblait indestructible. J’ai d’ailleurs été agréablement surprise par ce sentiment d’apaisement ambiant, ce calme et cette tendresse qui inonde tout ceux venant signer la lettre.

« The World Letter » est indéniablement un beau projet en soit. Mais ce qui m’a le plus touché dans cette œuvre, c’est l’expérience de l’œuvre en elle-même. Ce contact humain très intense, cette connexion entre les participants qui se fait presque instantanément. Comme si, au fond, c’était naturel de s’aimer.

Une signature de « The World Letter » – Dimanche 13 sept, Place de la République

 

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A propos Lou Fontaine 3 Articles
Fraichement arrivée sur Paris, j'ai rejoins Parisienneries en septembre 2020. Étudiante à l’École du Louvre, j'arpente quotidiennement musées et galeries, au plaisir de vous emmener parfois avec moi !

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