L’exposition « Children of Compost » du Drawing Lab Paris : quand l’art raconte le réchauffement climatique.

Le Drawing Art Lab

Parce que l’art se fait souvent le reflet d’une époque, certains artistes se sont emparés du phénomène du réchauffement climatique, et le racontent, de dénoncent, ou simplement l’exposent à travers leur sensibilité. 

Si de grandes institutions telles que le Musée d’Orsay ont choisi d’accorder une place plus importante aux rapports entre l’art et la nature (exposition les origines du Monde), d’autres initiatives se mettent en place, comme en témoigne l’exposition Children of Compost au Drawing art Lab.   

Le Drawing Art Lab, rendre sa place au dessin :

Centre d’art privé à vocation philanthropique « assurer la diffusion du dessin contemporain auprès de tous les publics », le drawing art lab fut voulu par sa fondatrice, Christine Phal, comme un lieu d’expérimentation et de production du dessin. Il décline ses activités sous plusieurs formes : des expositions, La drawing factory, dont le but est de stimuler la production contemporaine de dessin, et Le drawing now art fair, la première foire d’art contemporain exclusivement dédié au dessin en Europe.  Parisienneries vous propose de découvrir l’exposition Drawing Power, children of compost, élaborée en partenariat avec le FRAC Picardie. 

Le mot de la commissaire d’exposition :

Véritable trace a la fois physique et mentale du disegno originel, le dessin est la technique idéale de l’expression de concepts pour les artistes. C’est justement cette plasticité et cette adaptabilité du médium qui ont motivé la commissaire de l’exposition, Joana P. R Neves a sélectionner ces oeuvres pour symboliser les modifications climatiques dont nous sommes les témoins. 

« Le dessin crée des formes et des représentations […] nous avons besoin de ces nouvelles représentations pour imaginer autrement et ainsi changer notre rôle sur la planète : la façon dont on conçoit la vie et la façon dont on la réalise » 

L’expérimentation est de mise dans la sélection des artistes : certes, des oeuvres dessinées sont présentes, mais également tout un tas d’oeuvres qui, dans leur rapport au dessin, témoignent de la modification du rapport au vivant et à la nature « ainsi, du rassemblement de données à des interventions sur des sites, le dessin prend le rôle d’interface pour proposer de nouvelles représentations du vivre ensemble ». 

Une même technique pour plusieurs réalités :

Le dessin, au coeur de l’exposition, illustre le thème du rapport au monde et au vivant. S’il s’agit du thème principal, il existe autant d’artistes que de visions de cette réalité. Ces différents points de vue en font d’ailleurs la richesse, puisque, à la manière des ontologies de Philippe Descola, chaque peuple et civilisation possède son propre rapport à la nature.

Dessiner un rapport au monde :  

Ainsi, nous avons d’abord été immergés dans l’univers de la famille Kowspi : venant de Nouvelle Papouasie, ce père et son fils ont choisi de s’intéresser à la représentation des ses anciens mythes. Le style, traditionnel, se veut tel une transcription des récits oraux liés à la nature qui ont marqué les deux individus. Ces artistes ont donc tenté, par la pratique du dessin, de coucher sur le papier des traditions orales ancestrales, afin, peut être, d’assurer leur pérennité. 

L’exposition, axée sur l’écologie, traite également de nos relations avec les êtres vivants, notre rapport à la terre, ainsi qu’au monde qui nous entoure. Dans la même veine que la famille Kowspi, Emily Lazerwitz, artiste originaire d’Angleterre, a produit une oeuvre interrogeant notre rapport au langage et au sacré. En supprimant tous les mots modifiés à cause de traductions de la Bible de Jérusalem, l’artiste a récité, lors d’une performance, les rares mots de la Bible restés inchangés au cours du temps. Ainsi, elle remet en question le biais interprétatif auquel les traductions, et par extension, le langage, sont sujets. D’une approche plus philosophique cette fois, l’exposition nous pousse à la réflexion quant au monde dans lequel nous vivons, ainsi qu’à la manière dont notre langage le façonne au quotidien. 

Rendre compte de questions sociales et politiques :

Aux questionnements philosophiques se mêlent les enjeux sociétaux causés par ce nouveau rapport à l’espace et à la nature que les scientifiques nomment aujourd’hui « anthropocène ». Rare oeuvre sculptée de l’exposition, le tampon de l’artiste Barthélémy Toguo étudie le nouveau rapport aux frontières entre les pays et la mondialisation toujours croissante à laquelle les jeunes générations ont assisté. 

La mondialisation est un thème aussi récurrent chez l’artiste Marcos Ávila Forero. Son installation, illustre une « mapa conceptual », reflet de son processus créatif. Pour ce dernier, l’art ne peut être distingué des questions politiques, et se révèle même comme une solution aux problèmes sociaux. Ici, Marcos Ávila Forero nous place au coeur d’une crise touchant des paysans colombiens, forcés, par un manque d’infrastructures (et probablement par la corruption), à cultiver des feuilles de coca, les mettant en contact avec des cartels et l’illégalité permanente.

 

Rendre hommage à la nature menacée :

Cette situation dramatique en Colombie est d’ailleurs en partie liée à l’absence d’une denrée, qui permettrait de faciliter la production de bananes pour ces agriculteurs : l’eau. Nous touchons ici à la dernière grande thématique jalonnant l’exposition : la nature menacée. Sur ce thème, l’installation de Jaanika Peerna est une métaphore de la fonte des glaces. Le principe est simple : le plastique, découpé à la manière d’une guirlande de papier, est positionné de manière à s’affaisser par le processus de gravité, évoquant la lente mais certaine fonte des glaces dont nous alertent les scientifiques depuis maintenant des décennies.

Dans un registre plus scientifique cette fois, « Hipkiss » , formé par le couple Bolson, a répertorié les 1378 espèces de papillons de nuit présents dans leur résidence du sud de la France. Une oeuvre de longue haleine donc, puisque l’inventaire prend la forme de dessins au crayon de couleur de 2,5 cm de diamètre. Là ou l’oeuvre de Jaanika Peerna se voulait plus performative, le dessin se révèle ici comme une manière de figer la nature, de conserver ses trésors et de lui assurer une pérennité malgré les dégradations qu’elle subit. 

Expérimenter le dessin et le vivant :

Enfin, l’oeuvre signature du Drawing Lab, mêlant expérimentation du dessin et discours sur le vivant, provient de l’artiste Raffaela della Olga. Son travail consiste en un séchage de feuilles de différentes espèces, puis, à l’aide de vieilles machines à écrire, à marquer ces feuilles d’une empreinte aléatoire. Nous avons ici un discours sur la nature et l’art brut, imprévisible, qui s’en dégage: l’artiste laisse le procédé se faire seul, presque sans intervention, et la nature révèle sa beauté et le graphisme dont elle est empreinte. 

-> 26 JUIN – 30 SEPTEMBRE 2021

-> Du mardi au samedi de 11h à 19h (matins réservés aux groupes)

-> 17 rue de Richelieu, 75001 Paris 

-> Entrée gratuite 

-> Présence d’une médiatrice

-> Le site du Drawing Lab: https://www.drawinglabparis.com

-> Le site de la FRAC Picardie : https://frac-picardie.org

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A propos Ambre Delmas 8 Articles
« Éternelle indécise, il me fut impossible de choisir d’évoquer une des 1000 passions qui composent mon quotidien. En revanche, si vous aimez mêler art et politique, en apprendre plus sur le XVIIIEME siècle, ou regarder des films de John Carpenter, alors n’hésitez pas à aller jeter un coup d’œil à mes articles ! »

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