Albrecht Altdorfer au Louvre, un maître original de la Renaissance danubienne

Albrecht Altdorfer, Cortège triomphal de l’empereur Maximilien Ier, édition de 1570-1580, gravures sur bois, Paris, musée du Louvre

Le nom d’Albrecht Altdorfer vous dit-il quelque chose ? Il est probable que non, sa renommée n’étant pas si grande en France. Ou bien, les plus experts le rattacheront à l’Ecole du Danube, ce courant de peinture développé en Allemagne au début du XVIe siècle, remarquable pour ses peintures de paysage. Découvrez Albrecht Altdorfer au Louvre.

Mais la nouvelle exposition du département des Arts graphiques du Louvre permet de découvrir (ou redécouvrir) bien plus que cela : cette première monographie consacrée à Altdorfer en France vise à montrer combien il a été un maître original, dont la personnalité propre mérite d’être soulignée. L’exposition, très dense et organisée de façon chronologique, fait goûter au visiteur toute la singularité de son art, en présentant plus de 250 œuvres, aussi bien des oeuvres d’Altdorfer lui-même que de ces contemporains, afin de bien le replacer dans le contexte de création de son époque.

 

Les années de formation

Si Albrecht Altdorfer (vers 1480-1538) est devenu l’un des plus grands artistes allemands de son temps, c’est qu’il a su synthétiser de multiples influences de ses contemporains, en ne reprenant à chaque fois que les éléments les plus frappants. La première salle se propose d’explorer la naissance de son style durant ses années de jeunesse, entre 1506 et 1512 environ. En cela, la gravure joue un rôle primordial, comme répertoire de formes où l’artiste en formation a pu puiser ses idées de composition. Altdorfer s’inspire aussi bien des maîtres allemands, comme Dürer et Cranach, qu’italiens, comme Mantegna. Il garde d’eux une construction vigoureuse et bien charpentée des personnages, mais on reconnaît aisément sa première manière aux tracés linéaires blancs qui font vibrer les plages de couleur.

Albrecht Altdorfer, Saint François recevant les stigmates et Saint Jérôme en pénitent, 1507, huiles sur bois (tilleul), monogrammées et datées, Berlin, Gemäldegalerie
Albrecht Dürer, Saint François recevant les stigmates, vers 1503-1504, gravure sur bois, monogrammée, Paris, musée du Louvre
Albrecht Altdorfer, Sainte Famille avec un diacre, 1507, huile sur bois (tilleul), monogrammée et datée ultérieurement 1515, Vienne, Kunsthistorisches Museum
Giovanni Antonio da Brescia, Sainte Famille avec sainte Anne et le petit saint Jean, burin, Paris, BnF

On notera également les magnifiques dessins d’Altdorfer exposés dans cette section : sur un papier préparé de couleur sombre, parfois de teinte surprenante, l’artiste note avec vivacité un dessin à la plume, et en fait ressortir les volumes par des accents lumineux blancs, pour le plus grand plaisir du regard.

Albrecht Altdorfer, Le Sacrifice d’Abraham, vers 1510, plume et encre noire, et rehauts de gouache blanche sur papier préparé gris-vert, Vienne, Albertina

 

Une renommée acquise par l’estampe

Le style d’Altdorfer prend pleinement son ampleur entre 1512 et 1520. En effet, à cette période, il réalise des séries d’estampes qui font toute sa célébrité : en particulier, le recueil Chute et Rédemption de l’humanité présente une série de 40 gravures. De taille minuscule, elles sont remarquables par leur finesse, mais surtout par le synthétisme de leur composition : certains personnages sont vus en raccourci audacieux, d’autres coupés par le bord du cadre. La scène de la Résurrection est par exemple l’occasion d’un formidable clair-obscur, tandis que l’Ascension est évoquée par la simple notation… des pieds du Christ, montant déjà au Ciel : une mise en page étonnamment moderne.

Albrecht Altdorfer, Chute et Rédemption de l’humanité, vers 1513, suite de quarante bois gravés, monogrammés, Paris, musée du Louvre

 

De grandes commandes…

L’empereur Maximilien Ier de Habsbourg est un des premiers à percevoir tout l’intérêt de la gravure en matière de diffusion de son image. Aussi commande-t-il la représentation de tout un cortège à Altdorfer, un triomphe mettant en scène les différents porte-enseignes de son royaume, conçu comme une frise de 80 mètres ! L’artiste s’en acquitte avec brio.

Albrecht Altdorfer, Cortège triomphal de l’empereur Maximilien Ier, édition de 1570-1580, gravures sur bois, Paris, musée du Louvre

 

… et des œuvres plus personnelles, pleines de poésie

Mais le talent d’Altdorfer ne s’arrête pas aux commandes officielles si codifiées : il déploie aussi toute son originalité dans des décors d’orfèvrerie, créant des motifs pouvant servir à la réalisation d’objets de prestige. Ou encore, Altdorfer est pleinement novateur dans la mesure où il est l’un des premiers, parallèlement à Wolf Huber, à considérer le paysage et les vues d’églises comme des genres autonomes. Il grave une série de neuf vues panoramiques qui influencent tout particulièrement les artistes de la génération suivante.

Albrecht Altdorfer, Le Danube près de Sarmingstein, 1511, plume et encre noire, daté, Budapest, musée des Beaux-Arts
Albrecht Altdorfer, Intérieur d’église, vers 1518-1520, plume et encre noire, lavis gris et noir, Erlangen

 

Un maître au style décidément inclassable

Enfin, les dernières salles abordent le thème des grandes commandes que reçoit l’artiste de la part de la cour de Bavière et du patriciat de Ratisbonne à la fin de sa carrière, de 1522 à 1538. Bien que sa célèbre Bataille d’Alexandre n’aie pas pu être déplacée en raison de ses proportions gigantesques (une vidéo explicative très bien faite à la fin de la visite vient cependant étudier à la loupe le tableau manquant et faire oublier cette absence), le Louvre a réussi à se voir prêter l’un des chefs d’œuvre de l’artiste : l’Adoration des mages, dont le contexte de commande reste encore inconnu. Mais il s’agit bien là d’une œuvre magistrale, par le raffinement des détails, les annotations de lumières sur les pièces d’orfèvrerie éblouissantes et les broderies somptueuses des costumes. Cette richesse s’ancre pleinement dans le raffinement de l’école du Danube ; et pourtant, Altdorfer l’exprime avec sa personnalité bien particulière, et c’est là ce qui fait tout son mystère.

Albrecht Altdorfer, Adoration des mages, vers 1533-1535, huile sur bois (tilleul), Francfort, Städel Museum

 

Albrecht Altdorfer, maître de la Renaissance allemande,

exposition au Louvre (Rotonde Sully)

jusqu’au 4 janvier 2021

Ouvert tous les jours de la semaine de 9h à 18h sauf le mardi

Conditions d’entrée limitées à cause du Covid-19 :

– La réservation d’un créneau horaire est obligatoire. 

– Le port du masque à l’intérieur du musée et sur l’ensemble du domaine du Louvre et des Tuileries pour les plus de 11 ans est obligatoire.

– Comme dans tout espace ouvert au public, les gestes barrières et la distance physique devront être respectés.

Accès en transport en commun :

– En métro : lignes 1 et 7, station « Palais-Royal / Musée du Louvre »; ligne 14, station « Pyramides »

– En bus : bus n° 21, 24, 27, 39, 48, 68, 69, 72, 81, 95

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A propos Victoire Ladreit de Lacharrière (Houdré) 13 Articles
Etudiante à l'Ecole du Louvre, je suis passionnée par la peinture française et européenne, peut-être parce que j'aime moi-même peindre et dessiner. Amateur d'art, artiste en herbe ou simple curieux, suivez-moi à travers les expositions parisiennes et je vous ferai découvrir ma passion pour l'art classique !

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